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Une croissance du secteur aérien incompatible avec l’urgence climatique
Les rapports du GIEC se succèdent et ne cessent de préconiser la baisse du trafic aérien, émetteur majeur de gaz à effet de serre. Or pour la société Aéroport de Lille, ce projet d’extension permettrait de passer de 2 millions de passagers actuellement à 3,9 millions de passagers annuels en 2039 et à 4,7 millions en 2050 soit plus du double ! Aucune innovation technologique du secteur aérien ne peut répondre à l’urgence climatique. Il faut réduire le trafic aérien.
Augmentation des gaz à effet de serre
La crise climatique est déjà là. Si hier nous la prévoyions, nous la ressentons aujourd’hui sans contestation possible, et ses conséquences sont catastrophiques pour des milliards d’êtres humains. Nous le savons, les émissions de gaz à effet de serre (GES) comme le CO2 sont les principales mises en causes. Le GIEC est formel : l’activité humaine en est responsable et il convient d’agir, le plus vite et globalement possible, pour nous épargner les pires désastres. Il nous faut tout entreprendre pour diminuer nos émissions, drastiquement et durablement.
L’avion aggrave notre impact en émission de gaz à effet de serre …
Dans ce contexte, l’avion constitue un vecteur de plus d’aggravation du changement climatique. En effet, l’impact de l’aviation va bien au-delà de sa propre combustion de kérosène (voir paramètres de calcul d’un bilan carbone1Article Quels sont les périmètres d’un bilan carbone ? – Société Carbo – consulté le 24/032023). Il est indispensable d’également considérer la consommation d’énergie qui rend son vol possible (véhicules sur le tarmac, consommation d’eau et d’électricité…), ainsi que toutes les activités en amont et en aval de son fonctionnement (extraction et approvisionnement en hydrocarbures, transports des passager·es depuis et vers l’aéroport…). En guise d’exemple, chez Air France KLM, les émissions de gaz à effet de serre indirectes de cette dernière catégorie correspondent à 16% des émissions totales de la compagnie2Article Scope 3 : quelles sont les émissions de CO2 prises en compte ? – Société Carbo – consulté le 24/03/2023.
Mais il n’y a pas que le CO2 ! Les avions génèrent également à haute altitude des traînées de condensation et des cirrus artificiels, qui, bien que de courte durée de vie, contribuent avec les dérivés des oxydes d’azote (NOx) significativement plus au réchauffement climatique que tout le CO2 accumulé à ce jour dans l’atmosphère par le transport aérien.
Ces gaz à effets « non-CO2 » ne sont pas comptabilisés dans le bilan carbone national bien qu’ils soient significativement réchauffants.
L’avion est donc aujourd’hui un contributeur important. Selon la DGAC (Direction Général de l’Aviation Civile), en 2019, le secteur aérien représentait 6,8% du total des émissions de CO2 de la France (en intégrant les vols internationaux dans les bilans)5 DGAC – Les émissions gazeuses liées au trafic aérien en France en 2020. Ce chiffre ne cesse de croître, et cette tendance est permise par les projets d’extension d’aéroports comme celui de Lille.
Et pourtant les lignes de train sont remplacés par des avions ! …
Les objectifs énoncés conduiront inévitablement à une augmentation du trafic aérien alors même que 70% des vols effectués aujourd’hui concernent des destinations à moins de 3h de Lille en TGV6Eric Boquet – Courrier au président de la République – L’extension de l’aéroport de Lille-Lesquin est incompatible avec le “tournant écologique” annoncé pour ce nouveau quinquennat – 09/05/2022, 7La Tribune – Modernisation de l’aéroport de Lille-Lesquin : où en est le projet ? – 03/02/2021.
En France, la concurrence entre ces deux modes de transport est pourtant très forte. Chaque fois qu’une nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) a été mise en service, on a assisté à un report modal non négligeable en faveur du train. Par exemple, moins de 3 ans après la mise en service du premier TGV entre Paris et Lyon, 70 % du trafic de la ligne aérienne s’était reporté sur le train. Plus tard, des liaisons aériennes comme Orly-Lille, Orly-Rennes et Paris-Strasbourg (Orly et Roissy) ont même été contraintes à la fermeture. Récemment, le prolongement de la LGV de Tours à Bordeaux a encore fait chuter le trafic aérien entre Paris et Bordeaux d’environ 25 %.
L’amplitude de ce transfert modal de l’avion vers le train amortit par ailleurs les émissions de GES directement provoquées par le chantier de construction des premières LGV, qui sont généralement compensées en moins de 10 ans8Association Qualité Mobilité – Rapport Les aides publiques au transport aérien – 30/06/2019.
Alors que cette alternative existe, se développe et paraît vertueuse aussi bien d’un point de vue économique qu’écologique, le marché de l’aérien prévoit de continuer à concurrencer le train encore un moment. Après Montpellier et Perpignan, nous avons récemment appris (2021-2022) l’ouverture par la compagnie low-cost espagnole Volotea de quatre vols par semaine à destination de Nantes, Toulouse et Nice, et deux vols hebdomadaires pour Bordeaux9 Actu.fr – Volotea ajoute deux nouvelles lignes au départ de l’aéroport de Lille – 03/02/2021, 10Actu.fr – Une nouvelle ligne vers la Côte d’Azur au départ de l’aéroport de Lille cet été – 28/03/2021 (le train ne propose pas aujourd’hui de ligne directe vers Perpignan, Nice et Toulouse, mais les correspondances existent).
Selon les prévisions les plus optimistes de l’étude d’impact du projet, nous atteindrons à terme des hausses de respectivement 36% et 27% des émissions de CO2 et d’oxydes d’azote relativement à celles de Lille-Lesquin en 2019. Premièrement, nous n’avons pas accès au détail des calculs de ces estimations et ceux-ci sont indispensables pour en juger la pertinence. Aussi, les objectifs de la MEL, dont le bureau exécutif a approuvé le projet, sont pourtant tout autres : dans son PCAET (Plan Climat Air-Energie Territorial), adopté en 2021, elle a par exemple annoncé vouloir réduire spécifiquement de 45 % les émissions d’oxydes d’azote entre 2012 et 2030, de 45 % les GES (tous gaz confondus) entre 1990 et 2030, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Ainsi, même si le scénario optimiste avancé par ADL venait à se produire, celui-ci serait largement en deçà des exigences du PCAET en vigueur.
Un projet en contradiction avec les Accords de Paris et la Convention citoyenne pour le climat
Le projet d’extension de l’Aéroport de Lille ne suit ni les mesures ambitieuses proposées par la Convention citoyenne pour le climat, ni celles des Accords de Paris. Les objectifs de croissance que ce projet porte ne sont pas à la hauteur des mesures nécessaires face au dérèglement climatique.
Convention citoyenne pour le climat : des mesures ambitieuses qui passent à la trappe …
Alors que la Convention citoyenne pour le climat, très documentée sur ce même sujet, avait proposé des mesures ambitieuses pour l’aviation, celles-ci ont perdu quasiment toute leur substance au cours du processus législatif. En effet, la convention proposait de stopper toute extension d’aéroport (mesure SD-E3) et d’interdire les vols faisables en moins de 4h en train16Les propositions de la convention citoyenne pour le climat rapport final version corrigée du 29 janvier 2021. Ces deux mesures étaient applicables à l’aéroport de Lille-Lesquin puisqu’il est concerné par une extension et que des destinations, faisables en moins de 4h de train sont encore desservies (Lyon, Nantes, Bordeaux…).
Le seuil des moins de 4 heures est crucial, car il permet une baisse significative des émissions de CO2 : 3 fois plus de réduction de CO2 par rapport au seuil des 2h30 en train. D’autant que prendre le train ne fait pas « perdre » tant de temps que cela (40 minutes en moyenne) 17Réseau Action Climat Le train capable de remplacer l’avion sur les lignes aériennes intérieures en France. En ce qui concerne les destinations nationales au départ de Lille, leur trajet en train fait gagner du temps pour 5 d’entre elles, notamment pour les trajets directs (2h pour Lyon et 50 minutes pour Nantes par exemple). Inversement, il en fait perdre pour 3 autres (entre 1h15 pour Toulouse et 2h50 pour Nice)18 NADA – Comparatif des trajets en avion et train.
Ainsi, malgré des propositions simples et efficaces, proposées par des citoyen·es formé·es sur la question, la majorité gouvernementale et législative de 2021 n’a pas souhaité faire un véritable pas vers une transition écologique du secteur aérien, s’éloignant des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, fixés par les Accords de Paris.
Un projet en dissonance avec les Accords de Paris …
Afin de tenir compte des Accords de Paris sur le climat – pas plus de +2°C en 2050 -, l’aéroport de Lille-Lesquin ne pourra pas tenir son objectif de doublement du trafic aérien. En effet, Aéroport de Lille projette d’avoir 3,9 millions de passagers d’ici 2039, soit une croissance de 4% par an sur 20 ans22Objectifs du projet – site modernisons-aeroportdelille.fr . Or, au regard des scénarios du collectif Shift Project, même avec la mise en place des mesures les plus optimistes, cette cadence est très éloignée des objectifs de la COP 21, et surtout non souhaitable quel que soit le contexte ou les éventuelles projections économiques.
D’ailleurs, dans l’un de leurs scénarios, très optimiste techniquement et permettant une planète vivable, il résulte qu’une croissance du trafic aérien de + 0,71% par an serait possible 23The Shift Project – Rapport Pouvoir voler en 2050 : Quelle aviation dans un monde contraint ?. Dans ce cadre-ci, l’aéroport de Lille-Lesquin pourrait recevoir jusqu’à 2,6 millions de voyageurs en 2050. Or, il s’avère que ce chiffre correspond à la capacité actuelle de l’aéroport de Lille24Objectifs du projet – site modernisons-aeroportdelille.fr , ce qui montre bien que cette extension est purement et simplement inutile.
Le collectif a proposé un autre scénario, toujours optimiste mais plus réaliste. Dans celui-ci, le trafic aérien devrait baisser de 1,75% par an jusqu’en 2050 afin de tenir le seuil des + 2°C. En appliquant ce taux à l’aéroport de Lille-Lesquin, le nombre de voyageurs devrait atteindre 1,3 million cette même année, soit le nombre de voyageurs que l’aéroport a accueilli en 201225 Union des aéroports français – Statistiques de l’aéroport de Lille-Lesquin – consulté le 23/02/2023.
Tout cela montre bien que le projet de l’aéroport de Lille n’est pas soutenable.
Des projections de croissance du trafic aérien en question …
Les projections de croissance du trafic aérien varient beaucoup selon les sources. Autant dire que celles de l’aéroport de Lille-Lesquin sont très optimistes et incertaines.
● 4% de croissance sur 15 ans, selon les constructeurs (Airbus, Boeing), se sont basés sur la croissance pré-Covid et probablement sans prendre en compte la conscience écologique des populations
● 1,5% de croissance selon UBS, banque suisse (sondage auprès de 6000 personnes d’Allemagne, France, Grande Bretagne et des états Unis sur leurs façons de voyager en avion)30 BBC News – ‘Flight shame’ could halve growth in air traffic – 2 octobre 2019
● 0,71% de croissance dans un scénario très optimiste selon le Shift project
● 1,75% de « croissance » (ou décroissance) dans un scénario optimiste, selon le Shift project. Les scénarios du Shift Projet sont évalués en tenant compte d’un budget carbone donné et des objectifs des Accords de Paris 31The Shift Project – Rapport Pouvoir voler en 2050 : Quelle aviation dans un monde contraint ?.
Voir le calcul de projection du nombre de passagers et de croissance selon les scénarios des différents acteurs.32NADA – Projections.
Le mirage de l’avion vert
Aucune innovation du secteur aérien ne permet une croissance et d’éviter +1,5°C …
Face à cette réalité, il est, d’une manière générale, confortable d’imaginer pouvoir compter sur les progrès techniques pour résoudre le fléau du réchauffement climatique, sans avoir à modifier nos modes de vie, ou le moins possible. Or, même si les innovations technologiques sont bien réelles, de telles avancées ne sauront, à elles seules, répondre à l’urgence climatique, ni suffisamment massivement, ni suffisamment tôt36Synthèse Référentiel ISAE-SUPAERO (page 14). Selon le référentiel aviation-climat de l’ISAE-SUPAERO, école d’ingénierie aéronautique, qu’il s’agisse de l’avion électrique, à hydrogène, de la compensation carbone ou de l’usage de bio- et e-carburant, aucune de ces dites solutions mises en avant par le secteur aérien ne propose de moyen concret de concilier croissance de l’activité et respect des engagements des Accords de Paris (fixant à +1,5°C degrés maximum l’augmentation moyenne et globale des températures pour garder une planète vivable). En outre, ces technologies s’accompagneraient de bon nombre d’effets indésirables, environnementaux et sociaux, et les énergies renouvelables nécessaires à ces innovations sont autant d’énergies dont les transports terrestres, plus accessibles et moins consommateurs, et d’autres domaines essentiels de nos sociétés seront privés. Alors même que nous manquons déjà cruellement de ces ressources et que nous sommes très loin d’en produire suffisamment. Enfin, nous avons déjà expérimenté par le passé un effet rebond phénoménal accompagnant le progrès technique de l’aérien ; bien qu’environ 80% de gains d’efficacité énergétique aient été permis par les avancées de l’ingénierie depuis les années 70, ce n’est pas moins de 170% d’augmentation d’émissions de GES par le secteur qui a été observée dans ce même temps37 The Shift Project – Climat : préparer l’avenir de l’aviation – 27 mai 2020.
Pour l’heure, le seul avion vert est celui qui ne vole pas. Il est déjà absurde et destructeur de maintenir le trafic aérien tel qu’il est aujourd’hui. Comment serait-il acceptable de promouvoir sa croissance ?
Nos revendications : moins d’avions, plus de trains
Interdire les nouveaux projets d’aéroports et les extensions d’aéroports existants, comme celui de Lille-Lesquin (respect de la proposition de loi de la Convention Citoyenne pour le Climat, Article 146 de la loi Climat et résilience de 2021)
Supprimer les vols qui concernent des destinations à moins de 4 h de train.
Taxer le kérosène et financer le développement du rail.